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Blogue des stagiaires

Les conditions de vie précaires des réfugié.es en Malaisie

Crédit Photo: Naz Amir CC BY-NC 2.0, via Flickr - https://www.flickr.com/photos/nazerim/17429847516/in/album-72157651082467040/
Privés de travail, d’éducation et de soins de santé, voilà la réalité à laquelle font face les réfugié.es en Malaisie. Forcé.es de travailler illégalement et sans contrat, ces migrant.es sont fréquemment exploité.es et luttent simplement pour survivre dans ce pays. Bien que le gouvernement ait montré une certaine «empathie» envers certains groupes de migrants par le passé, les politiques mises en place sont incohérentes.

L’inconsistance du discours malaisien envers les réfugié.es

Au cours des dernières années, le gouvernement malaisien a ouvert ses portes à une certaine proportion de migrant.es et s’est prononcé à plusieurs reprises sur les injustices et les difficultés auxquelles cette population migrante est confrontée à travers le monde.  En 2015, la Malaisie a débuté un programme visant à accueillir 3 000 Syriens fuyant le conflit armé. De plus, le gouvernement a fourni de l’aide financière et de l’aide humanitaire aux Rohingyas, des réfugié.es musulmans issu.es du Myanmar se trouvant au Bangladesh. L’ancien Premier ministre Najib Razak a même déclaré en 2016: « Je refuse de fermer les yeux ou de me taire. Nous devons défendre [les Rohingyas], non seulement en raison de notre religion commune, mais aussi parce qu’ils sont des êtres humains dont la vie a de la valeur 1 ».

Malgré cette soi-disant “ouverture”, le pays a un discours très inconsistant à l’égard  de cette population. Bien que le Premier ministre en 2016 ait plaidé pour la défense des Rohingyas, plusieurs migrant.es de cette minorité musulmane arrivé.es en bateau en Malaisie en 2016 ont été emprisonné.es et certain.es ont contracté la tuberculose dans les centres de détention malaisiens2. En 2020, 27 bateaux avec des migrant.es Rohingyas ont été refoulés par la Malaisie3. De plus, après la pandémie de Covid19, les déportations des réfugié.es sont à la hausse ainsi que la discrimination envers ces individus.

La Convention de 1951 et son protocole de 1967

La Malaisie n’a jamais signé ni ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugié.es et son protocole de 1967. Par conséquent, le pays ne fait pas la distinction entre un.e migrant.e sans papier et un.e réfugié.e, les réfugié.es ne sont donc pas reconnu.es, ce qui fait d’eux des immigrants illégaux pouvant être arrêtés à tout moment. Les réfugié.es sont privé.es de travail, d’accès à l’éducation et aux soins de santé.

Cependant, lorsque les réfugié.es ou demandeurs d’asile arrivent en Malaisie, on leur conseille de s’enregistrer auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugié.es (UNHCR) afin de recevoir une carte d’identité n’ayant aucune valeur légale. Le processus d’obtention de cette carte peut prendre plusieurs mois, mais elle accorde aux réfugié.es une forme de protection. Cette carte leur permet un accès très limité aux soins de santé et à l’éducation.

Nombre de personnes réfugiées en Malaisie

À la fin du mois de mai 2024, la Malaisie comptait près de 190 000 réfugié.es et demandeurs d’asile. Environ 90% de ces individus provenaient du Myanmar, principalement des Rohingyas, un groupe ethnique majoritairement musulman victime de persécution et de discrimination. Ils fuient le nettoyage ethnique perpétré par l’armée du Myanmar et d’autres forces de sécurité4.

Les autres groupes de réfugié.es et de demandeurs d’asile en Malaisie viennent de pays tels que le Pakistan, le Yémen, la Somalie, la Syrie et l’Afghanistan, entre autres. De plus, seulement 35% des réfugié.es et demandeurs d’asile en Malaisie sont des femmes5.

La vie d’un réfugié.e en Malaisie

N’ayant pas de statut légal dans ce pays, les réfugié.es sont forcés de trouver des emplois où ils et elles sont très souvent exploité.es et au sein desquels leur santé est en danger. Ci-dessous, voici trois cas concrets parus dans les médias malaisiens illustrant les difficultés rencontrées par les réfugié.es dans ce pays asiatique.

Le cas de Laila

Laila est arrivée en Malaisie en juin 2021, après que son mari Amin, qui se trouvait déjà en Malaisie, a payé des passeurs pour qu’ils l’emmènent du Myanmar en Malaisie. Trois jours après son arrivée, Laila et d’autres migrant.es ont été arrêté.es par la police. La jeune femme a passé deux semaines dans un poste de police avant d’être envoyée dans un centre de détention malaisien.  Laila fait actuellement partie des 12 000 migrant.es emprisonné.es arbitrairement en Malaisie et qui subissent des violences psychologiques et physiques. Laila est toujours en prison aujourd’hui6.

Le cas de Zabi

Zabi, un jeune Afghan de 18 ans, est arrivé seul en Malaisie il y a cinq ans et a malheureusement perdu tout contact avec sa famille restée en Afghanistan. Malgré ses efforts pour apprendre l’anglais dès son arrivée, Zabi n’a trouvé que des emplois où il a été exploité. Au moment de l’entrevue, il travaillait comme personnel d’entretien dans un hôtel à Kuala Lumpur. En raison de son statut illégal en Malaisie, il n’a pas de contrat officiel et travaille environ 18 heures par jour pour un salaire de 1,20$ de l’heure. Son loyer lui coûte presque 150$ par mois et les heures supplémentaires ne lui sont pas payées. Cependant, Zabi ne les refuse pas par peur de perdre son poste.

Il affirme aussi manger la plupart des jours des nouilles Maggi qui sont très peu nutritives. Récemment, Zabi a dû consulter des médecins en raison de douleurs à l’estomac qui l’empêchent d’accomplir ses tâches et l’obligent à dépenser ses faibles économies. Ce jeune homme aimerait aller à l’université un jour, mais en étant un réfugié en Malaisie, ce chemin s’avère pratiquement impossible7.

Le cas de Hanna

Hanna est une réfugiée qui a rencontré des difficultés financières pour accéder aux soins médicaux pendant sa grossesse en Malaisie. Durant sa grossesse, elle a dû moins manger durant 5 mois afin d’économiser suffisamment pour consulter un médecin. Elle a été référée à une clinique privée offrant des soins médicaux pour réfugié.es à des prix un peu plus abordables. Malheureusement, durant sa grossesse, elle a souffert de douleurs insupportables et elle n’a pas eu le choix d’aller vers un hôpital public malaisien. Les hôpitaux sont souvent hors de prix pour les réfugié.es. De plus, il existe un grand risque que les réfugié.es soient signalés aux services d’immigration dans ces établissements et donc risquent la détention. Heureusement, pour le cas de Hanna, le personnel de cet hôpital n’a pas signalé sa présence. Cependant, elle a dû emprunter de l’argent à ses amis pour les frais de l’intervention. Une césarienne qui lui a coûté près de 1800$8.

Comme constaté dans les trois cas précédents, la vie d’un.e réfugié.e en Malaisie est extrêmement difficile. Ces histoires illustrent les dures réalités auxquelles ces personnes sont confrontées, notamment l’exploitation sur le marché du travail, l’accès limité aux services de base (éducation et santé), le risque de détention à tout moment et les difficultés financières ainsi que physiques.

Quels seraient les impacts pour les Malaisiens si les réfugié.es pouvaient travailler légalement?

Dans de nombreux endroits dans le monde, les discours haineux envers les migrant.es, réfugié.es ou demandeurs d’asile sont à la hausse. Comme mentionné précédemment, la Malaisie ne fait pas exception à cette tendance. Ils et elles sont parfois perçu.es comme une menace potentielle, notamment en ce qui concerne la concurrence sur le marché du travail local. Cependant, une étude réalisée en 2019 par IDEAS (organisme malaisien),  démontre que si les réfugié.es étaient autorisé.es à travailler légalement, ils pourraient créer jusqu’à 4000 emplois pour les Malaisiens. De plus, leur contribution au PIB annuel serait significative9.

En dépit de quelques gestes d’ouverture envers un petit nombre de réfugié.es, le gouvernement malaisien maintient une politique incohérente et discriminatoire. Bien que l’ancien premier ministre malaisien ait souligné qu’ils sont avant tout des êtres humains, le gouvernement semble oublier cette affirmation en refusant de leur reconnaître un statut légal et en les privant de droits fondamentaux. Malgré les preuves de l’impact positif potentiel des réfugié.es, la Malaisie reste malheureusement réticente à réformer ses politiques.

 

Notes et références

1. Sukhani, P. (2020, 20 juillet). The Shifting Politics of Rohingya Refugees in Malaysia. The Diplomat. https://thediplomat.com/2020/07/the-shifting-politics-of-rohingya-refugees-in-malaysia/

2. Vit, J. (2016, 15 avril). Where are the Rohingya boat survivors now?. The New Humanitarian. https://www.thenewhumanitarian.org/news/2016/04/15/where-are-rohingya-boat-survivors-now

3. Sukhani, P. (2020, 20 juillet). The Shifting Politics of Rohingya Refugees in Malaysia. The Diplomat. https://thediplomat.com/2020/07/the-shifting-politics-of-rohingya-refugees-in-malaysia/

4. UNHCR. (2024). Figures at a glance in Malaysia. UNHCR. https://www.unhcr.org/my/what-we-do/figures-glance-malaysia#:~:text=As%20of%20end%20May%202024,registered%20with%20UNHCR%20in%20Malaysia

5. Ibid. 

6. Human Rights Watch. (2024, 5 mars). We can’t see the sun. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/report/2024/03/05/we-cant-see-sun/malaysias-arbitrary-detention-migrants-and-refugees

7. Vemulapalli, B. (2024, 7 février). In legal no-man’s land, refugees in Malaysia struggle to eat, pay rent. Al Jazeera. https://www.aljazeera.com/news/2024/2/7/in-legal-no-mans-land-refugees-in-malaysia-struggle-to-eat-pay-rent

8. Qarssifi, W. (2024, 22 mai). As Malaysia faces CEDAW review, women refugees continue to struggle.  Al Jazeera. https://www.aljazeera.com/news/2024/5/22/as-malaysia-faces-cedaw-review-women-refugees-continue-to-struggle

9. The Institute for Democracy and Economic Affairs. (2019, Avril 29). “IDEAS: Refugees could contribute over RM3 billion to the Malaysian economy if granted the right to work”. IDEAS. https://www.ideas.org.my/ideas-refugees-could-contribute-over-rm3-billion-to-the-malaysian-economy-if-granted-the-right-to-work/