Les organisations et les groupes de la société civile et des droits humains ainsi que les collectifs chiliens du Québec et du Canada qui signent la présente déclaration, font un appel à la solidarité internationale pour exiger la libération des prisonnier-e-s politiques ainsi que dénoncer la situation de répression et criminalisation de la protestation sociale par l’État chilien, qui est venu s’aggraver suite au soulèvement social d’octobre 2019.
Plusieurs missions internationales d’observation des droits humains au Chili1 ont dénoncé les violations systématiques des droits humains commises par les forces de l’ordre de l’État envers la population, notamment le droit à la protestation, à la vie et à l’intégrité personnelle. Cependant, cette tendance répressive n’est pas nouvelle comme le montre les recommandations émises à l’État du Chili au cours des dernières décennies concernant l’utilisation excessive de la force, l’absence d’un mécanisme de prévention de la torture et l’abstention de l’utilisation de la loi antiterroriste contre les processus de revendications des droits du peuple mapuche. Ces violations sont devenues généralisées face aux manifestations massives de la population partout au Chili.
Nous nous joignons aux actions qui prennent place au Chili et à l’international afin de maintenir la pression politique lors du processus électoral du 15 et 16 mai prochain– qui va définir les membres de la convention constituante qui participeront à la rédaction de la nouvelle constitution ainsi que les maires, gouverneurs régionaux, entre autres -, qui va se dérouler dans un contexte de crise de droits humains, d’impunité et avec l’existence des prisonnier-e-s politiques.
Selon les données officielles(qui ne sont pas exhaustives), 27000 personnes ont été détenu-e-s et 2500 personnes ont été incarcérées en raison de leur participation aux manifestations massives qui ont eu lieu depuis le soulèvement social en octobre 2019. Les missions d’observation internationales ainsi que l’Institut des droits humains-INDH du Chili ont corroboré que la plupart de ces détentions ont été illégales, associées à des cas de torture, de mauvais traitements, de violence sexuelle ainsi que l’absence d’accès à une défense juridique.
Depuis, au cours de l’année 2020, plusieurs lois ont été mises en place afin d’intensifier la criminalisation de la protestation sociale, dont la loi anti-barricade et anti-saccage, entre autres, qui viennent à aggraver les peines de prison des personnes qui participent aux manifestations. Cela a été dénoncé par diverses organisations de droits humains nationales et internationales, qui condamnent aussi les initiatives qui visent à accorder des nouveaux pouvoirs aux Carabineros (police du Chili) comme l’exemption de la responsabilité pénale pour garantir l’ordre et la sécurité.
Un an après l’incarcération des prisonnier-e-s politiques – qui sont la plupart des jeunes, mais également des personnes mineures -, le processus d’enquête est encore en cours, donc ces personnes sont en prison sans avoir reçu une condamnation effective pour le délit dont elles sont accusées. Leurs processus judiciaires ont débuté au courant des derniers mois: certain-e-s ont été libéré-e-s à cause du manque de preuves; d’autres ont été condamné-e-s à des peines de 3 à 5 ans; certain-e-s risquent une peine d’emprisonnement de plus de 20 ans et ont été accusé-e-s avec la Loi de la sécurité intérieure de l’État. À ce jour, le nombre de prisonnier-e-s politiques continue d’augmenter, car les manifestations se poursuivent et en conséquence la répression et la persécution pénale de la part des agences de l’État. Plusieurs prisonnier-e-s politiques sont présentement en grève de la faim (à ce jour, entre 15 à 80 jours de grève) dans différentes prisons du Chili afin de dénoncer les irrégularités du processus, l’utilisation massive de la prison préventive et les situations de torture subies au cours de leur détention et incarcération.
Aussi, il est important de souligner la situation des prisonnier-e-s politiques Mapuche qui existe depuis des décennies. « Depuis les années 2000, la Loi antiterroriste a été utilisée comme le principal moyen de criminalisation de la protestation sociale Mapuche où l’État du Chili a été condamné en 2014 par la CIDH4». Présentement, le gouvernement militarise leur territoire grâce à l’État d’exception constitutionnel, en envoyant et maintenant les forces armées dans la région de l’Araucanía. Le peuple Mapuche subit de façon permanente de la part de l’État chilien le non-respect des obligations internationales contractées lors de la signature des Pactes et Conventions des droits humains.
Plusieurs rapports et recommandations ont été émis à l’État du Chili et au gouvernement de Sebastian Piñera afin de mettre en place des mécanismes pour assurer l’accès à la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non-répétition. Le 2 février 2021, l’Institut National des Droits Humains (INDH) du Chili a confirmé que les violations des droits humains commises par les agents de l’État n’ont pas cessé au cours de l’année 2020 et que même les recommandations les plus de base n’ont pas été mises en place de façon intégrale. Les cas de violence sexuelle, de lésions oculaires et de lésions causées par les tirs de fusil des Carabineros (police du Chili) n’ont pas cessé et l’usage d’agents chimiques pour blesser et brûler la population ont augmenté.
Le 22 février 2021, la Cour Suprême de Justice a rejeté une série de recours de protection en lien avec les violations des droits humains. De plus, la plus haute cour de justice au Chili ne répond pas aux requêtes de près de 3 000 personnes qui dénoncent la violation de leurs droits et procède avec lenteur dans les dossiers de plus de 2 500 cas de détention, dont plus de 50% ont eu des délais dépassant les 365 jours.
Depuis le début de la COVID-19 en mars 2020, alors qu’il n’y avait que 238 cas confirmés et 8 personnes hospitalisées, le président a imposé un couvre-feu et envoyé les militaires dans les rues. Cela fait donc un an que le pays vit dans un « État d’exception constitutionnel de catastrophe » qui s’inscrit plutôt dans une logique de coercition, que de santé publique, visant à contrôler la population pour préserver le peu d’appui populaire qu’il lui reste, soit environ 6%.
En plus des lois qui ont renforcé la persécution pénale et le pouvoir de répression de forces de l’ordre, le Chili a investi près de 19 millions de dollars canadiens, dans l’achat de véhicules antiémeutes de dernière génération, dont des lance-gaz blindés, les mêmes qu’utilisent Israël et les États-Unis dans différents conflits militaires. Il a aussi investi 3 millions de dollars dans la construction d’un centre d’entraînement pour les opérations policières et militaires en territoire du peuple autochtone mapuche. À cela s’ajoutent les investissements aux services d’intelligence de l’État.
D’autre part, Sebastian Piñera, à titre de président du Chili, est visé par plus de 40 actions en justice pour sa responsabilité dans les violations des droit humains de même que pour sa responsabilité dans le nombre de cas et de décès liés à la COVID-19.
Depuis le soulèvement social d’octobre 2019, il y a eu plusieurs appels pour que le gouvernement canadien se prononce en condamnant les graves violations des droits humains perpétrées par le gouvernement de Piñera contre le peuple chilien. En tant qu’organisations de la société civile et des collectifs chiliens du Québec et du Canada, le silence du gouvernement Justin Trudeau peut être interprété comme une complicité, mettant en évidence que le Canada priorise ses investissements au respect des violations des droits humains. Il ne faut pas oublier que les investissements canadiens sont les premiers au pays, notamment dans le secteur minier.
Organisations et groupes qui adhèrent à la déclaration :
Alternatives, Montréal, Canada
Andrés Fontecilla : Député de Laurier-Dorion à l’Assemblée nationale du Québec (QS)
ARO Coopéraction internationale, Montréal, Canada
Association québécoise des amis de Cuba (AQAC), Boischatel, Canada
Caravane d’amitié Québec-Cuba, Québec, Canada
Centrale Syndicale du Québec (CSQ), Montréal, Canada
Centre des femmes d’ici et d’ailleurs, Montréal, Canada
Centre international de solidarité ouvrière (CISO), Montréal, Canada
Chaire de recherche du Canada en Sociologie des conflits sociaux, Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, Canada
Chapitre québécois du réseau pour la défense de l’humanité (REDH), Montréal, Canada
Chile Informa, Montréal, Canada
Christian peacemaker teams (CPT), Toronto, Canada
Coalition pour la Paix en Irlande, Montréal, Canada
Coletivo Brasil- Montréal, Montréal, Canada
Coletivo Brasil-Québec, Québec, Canada
Collectif Chili s’est réveillé, Montréal, Canada
Collectif Le droit de vivre en paix, Montréal, Canada
Collectif Non à l’impunité au Chili, Montréal, Canada
Collectif Place de la dignité, Montréal, Canada
Collectif Solidarité Québec-Haïti, Montréal, Canada
Comité chilien pour les droits humains-Montréal, Montréal, Canada
Comité d’action des personnes sans statut, Montréal, Canada
Comitê de Luta Contra o Golpe – Canada, Canada
Comité de solidarité de l’Estrie, Waterloo, Canada
Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), Montréal, Canada
Comité Québec-Irlande, Montréal, Canada
Comité S.O.S El Salvador, Montréal, Canada
Commission altermondialiste et de solidarité internationale de Québec solidaire, Québec, Canada
Confédération des Syndicats Nationaux (CSN)
Conseil central de Montréal métropolitain – Confédération des syndicats nationaux (CCMM-CSN), Montréal, Canada
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Montréal, Canada
Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)
Forum diaspora africaine-Canada (ADF/FDA-CANADA), Montréal, Canada
Frente Farabundo Martí para la liberación nacional (FMNL), Montréal, Canada
Groupe de recherche sur les imaginaires politiques en Amérique latine GRIPAL, Université du Québec à Montréal (UQAM), Montréal, Canada
Mining Watch Canada, Ottawa, Canada
Mission québécoise-canadienne d’observation de droits humains au Chili, Montréal, Canada
Mouvement for social justice, Vancouver, Canada
Mouvement québécois pour la paix (MQP), Montréal, Canada
New England Human Rights Organization, Boston, EEUU
Observatoire violence, criminalisation et démocratie (OVCD), Université d’Ottawa, Ottawa, Canada
Palestiniens et juifs unis (PAJU), Montréal, Canada
Simon-Pierre Savard-Tremblay : Député à la Chambre de communes du Canada (BQ)
Syndicat des travailleuses et travailleurs (SST) du Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) du NÎM, (CSN), Montréal, Canada
Table de concertation et de solidarité Québec-Cuba, Montréal, Canada
Écoutez la version audio où le CDHAL a eu l’occasion de s’entretenir avec le Comité de coordination pour la liberté des prisonnières et prisonniers politiques 18 octobre et le (Coordinadora por la libertad de lxs prisionerxs políticxs 18 de octubre) et le bureau de défense de droits humains de Valparaíso du Chili (Defensoría de derechos humanos V región).
Déclaration officielle en français