Le monde de l’après-COVID est à faire. Alors que s’amorce le « déconfinement », nous vous présentons ces chantiers de réflexion pour formuler les alternatives à opposer au modèle de la « normalité ».
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Les crises ont comme facteur commun et potentiel d’être des moments de bifurcation, qui remettent en cause les paradigmes de pensée et modus operandi dominants, ainsi que leurs contradictions profondes voire insurmontables. La crise de la COVID-19 place un miroir sur les problèmes structuraux et systémiques : le système économique mortifère, ses mécanismes d’exploitation reproducteur d’inégalités et met en évidence les fragilités d’un système, du local au planétaire, à courte vue et hyper-individualiste.
Nos choix sociétaux, tels que la croissance et la consommation effrénées, nous entraînent dans une dynamique proprement suicidaire. Nous nous demandons : allons-nous revenir à la dystopie qui passe pour de la normalité ? Cette pandémie a peut-être une vertu : une fenêtre s’est ouverte sur un champ des possibles. Les choses pourraient être tout autrement que cette course à l’abîme et il est possible de se saisir le moment pour proposer des projets de société mobilisateurs, réfléchir sur un programme de demandes de justice sociale et de solidarité internationale pour aujourd’hui et pour demain. « Penser l’après-COVID » suppose de maintenir vivant et aiguisé le regard critique pour ne pas se laisser berner par des solutions factices ou prémâchées de l’intervention des pouvoirs publics, mettant de l’avant des plans de sauvetage du capitalisme visant à faire rerouler la machine à fond la caisse et coûte que coûte.
Nous savons bien que nombreux seront les opportunistes prêts à profiter des « exigences » de l’activité économique, faisant fi des avertissements de toutes les métacrises enchevêtrées (sociale, climatique, sanitaire…). Combien de sonnettes d’alarmes et de catastrophes faudra-t-il ? Les représentations de solutions de ceux qui nous gouvernent sont saturées d’inconscience et d’incurie. La moindre des choses est d’arrêter ce qui est évidemment dysfonctionnel et de réfléchir à d’autres modes d’existence. C’est pourquoi il nous faut se réapproprier de notre pouvoir collectif d’infléchir sur le politique, garder la main sur le discours du monde d’après, pour insuffler une imagination subversive dans la vie et les rapports que nous voulons. Non, nous ne reviendrons pas à la normalité !
Du virus, nous pouvons tirer des leçons. En tant que membres d’Alternatives, nous proposons ce recueil de réflexions pour se projeter dans un monde à venir, plus que des « utopies » ce sont des demandes sociales urgentes, car nous ne pouvons plus dire sérieusement « ça va bien aller » quand la maison est en feu.
- Pour une reconversion sociale des plans de relance économique : la justice avant tout et la vie avant les profits
Il est aujourd’hui clair que la logique de profit intrinsèque au capitalisme porte en elle une logique de mort : exploitation des corps, épuisement des travailleur·euses, destruction de la nature. La puissance mortifère du capitalisme s’exprime par des moyens multiples — la guerre, le pillage, le colonialisme, l’oppression — de façon visible ou non, et répartie de façon très inégale selon les rapports de genre, de race et de classe et entre le Nord et le Sud.
Pourtant, l’État et les pouvoirs publics dégagent maintenant des moyens pour remettre le capitalisme en selle (vert ou autre…) pour qu’il poursuive sa course. Sauver l’économie, veut dire sauver les profits, plutôt que les vies.
Or nous aurons vu que la logique de profit dégrade la vie précisément de ceux et celles qui produisent la vraie richesse et permettent la poursuite de la vie sociale : ce sont tous ces travailleur·euses auparavant invisibles, ceux et celles qui sont en première ligne, les travailleur·euses de la santé, les soignant·es, les employé·es d’épicerie et de commerces de détail, les travailleur·euses agricoles, les éboueur·euses, les livreur·euses, les travailleur·euses communautaires, ceux et celles qui produisent et distribuent des biens et services essentiels pour le bien-être des communautés, mais qui gagnent très peu tout en étant exposé·es à beaucoup plus de risques que la majorité. La surreprésentation des femmes, et souvent des personnes racisées ou issues de l’immigration, est importante dans ces professions « au front » et métiers dits du care parmi les moins bien rémunérés de l’économie. Pour la plupart d’entre elles s’ajoutent aussi des responsabilités familiales, les activités domestiques non salariées et une charge mentale qui leur incombe de façon disproportionnée.
C’est aujourd’hui aussi une évidence que des vies sont sacrifiées en raison de choix issus de décennies de coupes opérées dans les dépenses publiques dans les secteurs sanitaires, éducatifs et sociaux. L’État a organisé la rareté des ressources en faisant le choix de l’austérité budgétaire. Les pénuries en matériels et personnels en santé étaient prévisibles. Les carences, le sous-investissement et la négligence du secteur public — qui dictent qui doit mourir et qui pourra vivre — montrent de la plus terrible manière le cercle vicieux infernal qui nous guette si des enseignements ne sont pas tirés immédiatement. Le sauvetage du capital et des grandes entreprises par l’État, les plans de relance qui seront nécessaires pour le redémarrage de l’« économie » et pour soutenir les secteurs les plus affectés par le temps d’arrêt, moyennant la hausse du déficit budgétaire et de la dette publique, risquent de recréer la possibilité d’un retour aux politiques d’austérité et ainsi les conditions de nouvelles crises mondiales…
Au plan international, la présente pandémie a révélé au grand jour à quel point le capitalisme contemporain mondialisé nuit à la sécurité des populations, notamment la sécurité sanitaire (les chaînes d’approvisionnement délocalisées, le repli sur les intérêts nationaux qui handicape le principe de solidarité entre pays). De plus, la pandémie exacerbe toutes les formes d’injustices entre le Nord et le Sud. Des années de politiques d’ajustement structurel, dictées par les institutions financières multilatérales, ont causé la dégradation du secteur de la santé et des services publics et privent les différents États de moyens de prévenir ou de faire face aux effets de pandémies. Pour plusieurs pays du Sud ayant un haut niveau d’endettement, le paiement du service de la dette les empêche de reconstruire leurs services publics et leur système de santé et ainsi de répondre à la satisfaction des besoins vitaux les plus basiques de leurs populations.
Des expériences sous-jacentes d’inégalité se sont amplifiées avec cette crise et le lockdown. C’est le cas notamment des travailleur·euses licencié·es ou temporairement suspendu·es sans salaire et sans aucune compensation, dans le secteur de l’habillement en Asie par exemple, qui se retrouvent en détresse économique. C’est le cas aussi de ceux et celles qui gagnent leur vie dans le secteur informel. Ce secteur de la population active est beaucoup plus répandu dans les pays du Sud global et les femmes y sont davantage représentées. Les activités que ces travailleuses exercent se butent, dans le contexte de mesures d’endiguement de la COVID-19, à des obstacles qui les privent de revenus journaliers puisqu’elles sont souvent dans l’incapacité de travailler à domicile. De plus, nombre de mesures d’aide d’urgence dont disposent les États pour protéger les entreprises et l’emploi sont généralement liés à un statut formel et donc ne leur sont pas accessibles, accentuant ainsi la privation de toute protection sociale. Les réponses politiques inadaptées aux conditions du secteur informel enfoncent cette catégorie de travailleur·euses dans une plus grande pauvreté et une plus grande violence systémique.
Au nord comme au sud, les constats sont les mêmes : à l’heure du confinement, le caractère de classe, raciste et de genre du « Restez chez vous » est indéniable. Le confinement n’est certainement pas subi de la même façon selon les conditions d’emploi, les conditions de logement ou du lieu d’habitation. De plus, les réalités sociales exposent certains groupes à des vulnérabilités accrues, comme c’est le cas par exemple des communautés autochtones. Et pour plusieurs, la maison ne signifie pas un lieu sûr. Si la situation de violences de genre pré-pandémie était un fléau planétaire, le contexte de la mise en place de mesures d’isolement a tendance à exacerber cette violence aux multiples facettes (physique, psychologique, institutionnelle, etc.) comme le témoigne l’augmentation dramatique des cas de violence domestique dans le monde entier. Selon les Nations Unies, il s’agit de la « pandémie de l’ombre » et le Canada n’est pas épargné.
Non, nous ne sommes pas tous embarqués « dans le même bateau ». Tandis que certains ont le confort relatif de réfléchir à des lendemains plus justes et au « monde d’après », des millions de personnes sont confrontées de plein fouet aux contrecoups profondément économiques de cette crise. Il apparaît certain que les conséquences économiques affecteront plus durement les groupes sociaux désavantagés : les femmes, les migrant·es, les personnes déplacées, les personnes âgées, les personnes racisées, par exemple. Le risque de choc économique est si disproportionné qu’il oppose la survie des petits face aux géants. Sans surprise, les grands gagnants de cette crise sont les poids lourd du commerce et du divertissement en ligne, du « big tech » et du capitalisme de plateforme, les GAFAM, Netflix et compagnie, qui génèrent des hausses de profits en plus de resserrer leur emprise en s’imbriquant dans davantage d’aspects de notre quotidien profitant du monde « sans contact» et de l’accélération inouïe du numérique. Alors que la réalité est tout autre pour les petits commerçants indépendants de proximité, les travailleur·euses culturels et lieux de diffusion des arts de la scène, ainsi que les bars, cafés et restaurants de quartier qui ont été fortement mis à mal par le virus ; maintenant ils doivent se réinventer pour garantir les précautions sanitaires et luttent pour ne pas être avalés tout rond par le système basé sur la loi du plus fort.
Les conditions dans lesquelles va s’opérer la «relance post-confinement » seront déterminantes. Alors que les États se soucient de donner les moyens nécessaires de la reprise pour le business as usual, les moyens au déconfinement comme prescription du retour au travail, qu’ils organisent le bailout des grands, donnent le feu vert à des projets « climaticides » — tels ceux du secteur pétrolier et gazier — sans ébranler les intérêts des classes dominantes du statu quo ante, on peut s’inquiéter de l’accroissement de l’exploitation du travail et du vivant dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire prolongé indéfiniment qui se mutera probablement en état d’urgence économique…
Nous savons que tout à l’opposé de la logique mortifère du capitalisme, des mesures aussi immédiates que celles prises pour contenir la COVID peuvent être prises pour la fin du saccage de l’intérêt général. Cela passe par une relance axée sur la justice sociale et la dignité, qui mette de l’avant les droits des travailleur·euses, des chômeurs·euses, des plus vulnérables, des « non productifs », et qui investisse dans des activités socialement et écologiquement utiles et durables, reposant sur la satisfaction des besoins essentiels.
Plus qu’un sens social le plus élémentaire, nous attendons de l’État un rôle de garant des droits et qu’il finance massivement la solidarité et les services publics et sociaux. Un État qui n’abandonne pas à leur sort les plus vulnérables. Tout l’opposé du mode d’opération de l’État néolibéral. Mais qui décide ? Nous ne voulons pas déléguer notre puissance d’agir aux États et à leurs gouvernants, c’est pourquoi notre projet émancipateur devra reposer sur la pleine participation de tous et toutes, responsables des grands choix de société qui les affectent, responsables de la décision publique, dans le cadre d’une démocratie participative mettant de l’avant des formes d’agir en commun et la prise de parole par tous et toutes pour exprimer la définition des besoins sociaux, de ce qui est jugé essentiel et non essentiel.
Les alternatives à opposer à la reprise de l’identique :
- Soutenir les processus horizontaux et inclusifs des mouvements sociaux au Nord comme au Sud, travailleur·euses, étudiant·es, et militant·es de divers horizons pour une réponse à la hauteur des urgences sanitaires, sociales et écologiques ;
- Exiger une hausse généralisée et substantielle des salaires et un revenu social universel garanti pour tous et toutes ;
- Exiger que les besoins et les réalités des femmes ne soient pas oubliés et que leurs voix et leurs initiatives soient prise en compte, par des plans de relance économique équitables partant d’une analyse sexospécifique et féministe ;
- Oeuvrer pour la justice fiscale et la redistribution des richesses (impôts élevés sur les hauts revenus et les entreprises, lutte contre l’évasion fiscale) ;
- Exiger des dépenses publiques massives dans les services sociaux pour leur bonification (en priorité la santé et l’éducation) – dans une optique de gratuité et d’universalité d’accès à l’éducation et à la santé et autres soins et services fondamentaux ;
- Soutenir les demandes pour améliorer durablement les conditions de logement, les investissements dans le secteur du logement social et l’accès au logement ;
- Soutenir les luttes pour l’amélioration des conditions de travail et la protection des droits de tous les travailleur·euses, notamment des travailleuses qui oeuvrent dans les secteurs sociaux, communautaires et qui distribuent des biens et services essentiels pour le bien-être des communautés, incluant l’autonomisation des femmes qui travaillent dans l’économie informelle dans le monde ;
- Mettre fin aux sanctions économiques qui touchent de manière disproportionnée les populations pauvres dans les pays qui sont visés par ces sanctions et suspendre les mesures d’accords commerciaux et de libre-échange qui mettent à mal la capacité de donner la priorité aux besoins fondamentaux des populations ;
- Reconnaître les obligations internationales des États envers le droit à la santé et encourager la solidarité et la coopération internationale en matière de santé incluant pour les États de mettre à disponibilité les ressources nécessaires à la mission d’organisations telles que l’Organisation mondiale de la santé ;
- Soutenir les luttes pour l’annulation des dettes (publiques et personnelles – étudiante, crédit, etc.) et l’annulation des dettes extérieures des pays du Sud – la plupart illégitimes car elles n’ont pas servi les intérêts des populations – contractées auprès des États riches et des institutions multilatérales internationales.
- Pour la prise au sérieux de l’urgence climatique
Parmi les facteurs importants de la propagation de la COVID-19 et de la crise sanitaire d’aujourd’hui, outre la multiplication des échanges internationaux et nos modes de vie globalisés, on trouve la perte de biodiversité, la destruction des milieux naturels, ainsi que le système alimentaire fondé sur l’élevage industriel intensif, un système agroalimentaire mondial insoutenable.
La pandémie actuelle est une catastrophe écologique planétaire. La crise que nous traversons est unique à maints égards, mais pas singulière. Nous savons que la reproduction du capital ne voit pas les limites de l’écosystème planétaire et que l’aggravation de la catastrophe écologique menace de répéter des urgences sanitaires. Si on ne change pas les relations que nous entretenons entre nous et le vivant, tout laisse à penser qu’il y aura d’autres crises, des crises plus graves encore, affectant conjointement les sociétés, les humains et les écosystèmes, notamment dues au réchauffement climatique.
Il est impossible de ne pas voir de parallèles entre les réponses inadéquates des pouvoirs publics à la fois à la crise du coronavirus et au changement climatique, alors qu’il devrait y avoir une réponse basée sur la planification et la gouvernance internationale basée sur la coopération. C’est pourquoi nous ne pouvons plus accepter ni le déni ni les réponses inadaptées.
Ces derniers mois, nous avons assisté à la réduction du niveau de pollution atmosphérique dans de nombreux endroits de la planète. Nous avons vu aussi la nécessité pour nos dirigeants d’écouter les scientifiques et d’agir en conséquence. Dès lors, l’argument de l’infléchissement de nos modes de vie n’est plus acceptable. Il est possible de ralentir. Il est possible de mettre le frein.
Mais ce même ralentissement n’a eu que peu d’impact réel sur les émissions globales de GES et sur les changements climatiques. Ce simple constat démontre la nécessité de sortir des solutions individuelles et d’imposer des solutions systémiques à l’urgence climatique. Ces solutions doivent s’appuyer sur les besoins des populations mobilisées dans les mouvements sociaux.
Les alternatives à opposer à la reprise de l’identique :
- Soutenir les campagnes citoyennes pour l’abandon total immédiat et une reconversion profonde des industries et des secteurs économiques qui alimentent les changements climatiques ou sont toxiques pour les écosystèmes (combustibles fossiles, industries extractivistes, chimiques et agro-industrie, etc.) ;
- Contribuer au plaidoyer et internationaliser la démarche pour un plan de relance visant la carboneutralité en 2025 (inspiré de la feuille de route Québec ZéN) ;
- Contribuer aux réflexions visant la conception d’un nouveau paradigme sociétal excluant le concept de la croissance infinie dans un monde ayant de réelles limites ;
- Promouvoir des mesures pérennes fondées sur la justice sociale et climatique et la décolonisation qui amélioreront les conditions d’existence et viseront une diminution radicale des émissions de gaz à effet de serre ;
- Exiger la fin de l’exploitation du travail et du vivant.
- Assurer les bases de la « démondialisation » par la souveraineté alimentaire
La présente crise soulève des inquiétudes concernant l’agrobusiness qui ne respecte pas la nature, qui est destructeur de la biodiversité et de la santé, et qui favorise le risque de pandémies et leur propagation, tel le coronavirus.
Aussi, nous avons vu que la chaîne d’approvisionnement alimentaire est stratégique du point de vue de la sécurité de la population et il y a nécessité de dé-dépendance alimentaire face aux grandes chaînes d’intégration internationales. Un changement profond de notre système alimentaire est requis pour un système alimentaire durable.
Au Québec comme ailleurs, on voit la souveraineté alimentaire et la résilience des systèmes alimentaires émerger comme un discours de plus en plus présent dans le débat public. Il y a possibilité de se saisir de ce retournement pour repenser en profondeur nos rapports de production pour encourager le lien avec la nature dans un esprit de résilience à long terme et agir pour un système alimentaire qui mette de l’avant les productions locales et des circuits courts de production et de consommation.
La refonte du modèle agricole est nécessaire avec comme mot d’ordre la fin du modèle agro-industriel — de même que la fin des solutions technocrates qui favorisent les mégafermes, les solutions technologiques et industrielles. Au contraire, il faut mettre en priorité une agriculture à échelle humaine, les petites fermes sur tout le territoire, avec comme balises le contrôle citoyen sur la finalité de la production (il faut mettre l’accent sur les critères de la satisfaction des besoins locaux).
Finalement, notamment pour permettre de faire face aux crises écologiques ou sanitaires, des réseaux de distribution et d’approvisionnements locaux en produits frais, ainsi que l’agriculture urbaine, doivent être renforcés. Un tel modèle peut assurer un accès à une alimentation de qualité pour tous et toutes tout en réduisant l’empreinte écologique.
La promotion d’une autre agriculture, façonnée par les besoins, doit respecter les droits des paysan·nes, des travailleur·euses agricoles, des consommateur·trices. Une autre agriculture doit aussi promouvoir l’avancement de la solidarité internationale de même que l’articulation des luttes paysannes, tel le mouvement Via Campesina, et de son pouvoir d’agir à travers le monde (contre les dépossessions de terres, l’imposition de monocultures dans un contexte de colonisation, etc. ).
Les alternatives à opposer à la reprise de l’identique :
- Soutenir les appels à la tenue d’états généraux sur l’alimentation au Québec ;
- Démondialiser l’agriculture et l’élevage pour favoriser l’autonomie alimentaire et l’achat local d’aliments saisonniers ainsi que les circuits courts sans recours aux chaînes internationales énergivores ;
- Promouvoir l’élargissement des droits des producteurs agricoles en matière de production et de vente directe ;
- Soutenir la transition des agriculteurs vers l’agriculture agroécologique paysanne, respectueuse de la santé des humains et de celle des écosystèmes, et privilégier les petites fermes par le cadre législatif adéquat ;
- Exiger un réinvestissement de l’État en matière de main-d’œuvre agricole pour une hausse significative des salaires et pour la dignité des conditions de travail, de même que la pleine réalisation des droits des travailleurs migrants saisonniers ;
- Promouvoir des programmes d’achat pour les consommateurs pour soutenir la production agroécologique ;
- Soutenir le mouvement de l’agriculture urbaine et la valorisation des espaces pour l’installation de potagers urbains ;
- Pour développer une agriculture non industrielle qui s’étend sur plusieurs saisons voire à l’année, considérer la production alimentaire en petites serres peu énergivores, tant en milieu rural qu’urbain, qui utilisent des techniques écoénergétiques, comme par exemple solaires passives ;
- Soutenir les réseaux de solidarité qui font la promotion de modèles de production agroécologiques mettant de l’avant les besoins des familles rurales et des consommateurs ;
- Soutenir les peuples autochtones dans l’expression de leur droit à la souveraineté alimentaire ;
- Soutenir la mise sur pied d’organisations de base pour l’adéquation des besoins des consommateurs et de la production locale, comme la création de programmes régionaux de souveraineté alimentaire, dans l’esprit de la proposition de la feuille de route Québec ZéN ;
- Désintensifier l’élevage et soutenir les efforts en vue de la réduction de la consommation carnée ;
- Appuyer les efforts et les campagnes visant à éviter le gaspillage.
- Favoriser des technologies numériques inclusives et respectueuses de la vie privée
Pour plusieurs gouvernements, la pandémie est déjà un prétexte pour instaurer, au nom de la sécurité, des mesures pour contrôler les individus par le biais de l’utilisation de nouvelles technologies numériques (technologie de reconnaissance faciale, géolocalisation, drones, capteurs de chaleur, etc.). Au Canada comme ailleurs, ces technologies sont fermées, dépendent de partenaires commerciaux et reposent sur des systèmes centralisés, souvent insécures eux-mêmes, en plus de ne pas être encadrées par une législation qui priorise les droits à la vie privé des individus.
Ces mesures technologiques impactent sur les droits civils, sociaux et politiques et sur les libertés. Il faut craindre leur banalisation qui porte en elle le risque d’une fausse acceptation sociale mobilisée au nom de la lutte à la contagion mais sans connaissance réelle des enjeux. Il faut craindre leur normalisation qui de la sécurité passe à la surveillance, au contrôle puis à la répression. Tant au Québec, au Canada qu’à l’international, il est essentiel de dénoncer ces glissements technologiques où les dangers sont largement plus importants que le bénéfice sécuritaire afin que la réponse à la pandémie ne devienne pas, comme dans le cas de la « lutte au terrorisme », une opportunité pour que des États tirent parti du nouveau seuil de tolérance général (les circonstances exceptionnelles nécessitent des mesures exceptionnelles) pour concrétiser un élargissement encore plus important du contrôle social et des pouvoirs des forces militaires, de police et de sécurité.
Au contraire, les systèmes peuvent et doivent donc être conçus à la base pour garantir la sécurité et la confidentialité des données des utilisateurs à travers des procédés de chiffrement et d’anonymisation et par la vérifiabilité du code source.
Pour y arriver, il faut à la fois critiquer mais aussi soutenir les processus démocratiques et les stratégies d’engagement communautaires sur ces enjeux.
Des alternatives à opposer à la reprise de l’identique :
- Privilégier des développements technologiques basés sur les principes de connaissance ouverte et de « privacy by design » ;
- Rejeter les technologies de surveillance de masse (globalement) et plus particiulièrement de géolocalisation dans tous les contextes, incluant celui de la pandémie ;
- Rejeter les technologies qui impliquent la centralisation des données privées ;
- Soutenir les initiatives visant l’appropriation large des enjeux de respect des droits humains, de la gouvernance d’Internet, de la protection des données et de la vie privée à l’ère digitale ;
- Soutenir les initiatives visant la mise en place de mesures de contrôle démocratique des technologies, des entreprises technologiques et des interventions gouvernementales sur ces enjeux à l’ère digitale.
- Élargir les brèches en faveur des luttes solidaires
Dans la seconde moitié de 2019, des foyers de révoltes ont éclos partout sur la planète, de Santiago à Beyrouth. L’année a aussi été marquée par le mouvement de grève pour le climat, inspiré par Greta Thunberg, qui a mobilisé massivement. C’était l’année des mouvements. Maintenant avec l’assignation d’une grande partie de la population mondiale à résidence et les mesures de distanciation sociale en raison de la pandémie, nous avons basculé dans un nouveau régime social où il faudra beaucoup d’efforts et d’imagination pour faire valoir l’importance de « l’être ensemble » contre la peur du contact avec l’autre, et pour un sentiment de solidarité collective face au monde de la peur et de la sécurité.
Mais il ne faut pas oublier que demain est déjà en construction et que nous oeuvrons déjà à amplifier et faire converger les réponses solidaires progressistes, les pratiques et les structures d’émancipation des communautés.
Déjà, de nombreuses initiatives, pratiques et des réseaux d’entraide provenant de diverses communautés montrent la possibilité de s’organiser et de donner lieu à un changement qui nous serait favorable pour construire un monde plus juste, plus démocratique et plus axé sur les droits. Des expériences collectives de solidarité ont montré la nécessité de se mobiliser pour trouver des solutions de rechange pour des besoins comme les masques et couvrir les soins de proximité et des besoins essentiels (se nourrir, se loger, l’accès à la culture, etc.). Nous voyons de nouveaux modèles.
Aussi, nous avons vu l’importance d’une réponse coordonnée internationale au lieu des égoïsmes nationaux pour l’approvisionnement en matériel sanitaire. La solidarité avec le Sud global est plus que jamais urgente, ce qui signifie défaire les structures d’exploitation, qui notamment rendent les populations du Sud vulnérables à une crise de santé publique.
Pour ne pas s’adapter à la société dégradée, pour construire un avenir fondé sur la solidarité et la justice, il est de notre responsabilité collective de faire évoluer le monde vers la réduction des inégalités, un monde désirable dans lequel nous voulons vivre et créer du possible.
Les alternatives à opposer à la reprise de l’identique :
- Renforcer les initiatives prises par la base et soutenir les mouvements sociaux qui exigent des comptes aux gouvernants pour accélérer la construction d’une société bienveillante, plus juste et démocratique ;
- Développer des réseaux de solidarité internationale entre les forces progressistes dans le monde et développer des luttes et des moyens de résistance communs aux niveaux local et mondial
- Encourager les entreprises de l’économie sociale et solidaire, la recherche du bien commun et du « buen vivir» dans la planification d’une économie post-capitaliste;
- Tenir compte du rôle fondamental des luttes des femmes et des féminismes, notamment les luttes antiracistes et le féminisme décolonial, dans la reconversion de la société, par leur influence historique en tant que formatrices de conscience et d’avancées sociales;
- Revendiquer collectivement les libertés de circuler, de manifester, le droit à l’espace public;
- Protéger et garantir les droits des personnes emprisonnées, des réfugié·es, des demandeurs d’asile, migrant·es à statut précaire.